Nostalgie. [PV: Melina Miller]

Je marchai à un doux rythme, faisant résonner mes pas sur le gravier. La brise malmenait mes cheveux, et me collait de temps en temps des feuilles au visage. La solitude m'enfermait dans un cocon de plénitude, j'avais l'impression d'être et de ne pas être. Les tombes à mes cotés étaient toutes délaissées. Aucune fleur n'osait les orner, aucune personne n'osait les mouiller de larmes.
J'avais visité bien des cimetières, mais aucun ne m'avait paru aussi... vivant. La magie était partout, sans être pourtant étouffante. Je n'aurai été surprise de voir un esprit surgir pour me narguer.
Un sourire me vint en pensant à Bulle, mon kudan. S'il y avait bien quelque chose qu'il détestât, ce serait les cimetières. Il se sentait si oppressé qu'il partait au quart de tour à chaque fois que j'en mentionnais un. Il ne m'y accompagnait jamais.
Je laissai ma robe blanche toute simple virevolter, et me dit que, avec mes cheveux immaculés, je devais avoir moi-même l'air d'un fantôme. Je m'assis sur un banc et fermai les yeux, écoutant mon rythme cardiaque, laissant mes pensées divaguer.
J'étais tant plongée dans mes réfections, que je ne remarquai pas la présence, pas très loin de moi.

Cela faisait presque deux semaines que Mélina était arrivée sur ce sol. Depuis la première fois où elle avait découvert ses pouvoirs, une mystérieuse lettre lui a été remise, elle ne l'avait jamais touché. Finalement, elle ne sera jamais venue sur ce domaine en tant qu'élève mais en simple surveillante elle, qui venait d'une bonne famille..
Employée pour l'établissement, elle avait raté la rentrée scolaire et de loin, mais l'école avait déjà été avertie du retard qu'elle allait avoir.

Une fois arrivée à Magic Mind la jeune fille avait posé ses bagages dans une auberge. Elle sentait encore sur elle l'odeur de levure de bières fraîches. Avait-elle prise la bonne décision de venir dans cette école dans le simple but de surveiller des élèves eux qui, au passage pour certains, se trouveront avoir presque le même âge qu'elle ?
Beaucoup, voir trop de questions la tourmentait. Et puis elle repensait à cette fameuse journée, lorsqu'elle avait rencontré Luis son Kudan.

*Arrêtes de te torturer!* Lui dit-il par le biais de la pensée.

*Hum, tiens, je t'avais oublié toi..* lui répondit-elle.

Il était vrai que ce beau perroquet de rouge, de bleu et de jaune vêtu était bien là, perché sur son épaule droite, à tourner la tête à droite à gauche, s'amusant à entourer de ses griffes ses cheveux longs.

D'ailleurs, où pouvait-elle bien être ? Vêtue d'un jean et d'un léger chemisier blanc, elle se souvenait avoir quitté l'auberge avec sa valise bien déterminée à y aller, dans cette école et à arrêter de fuir la réalité. A trop être dans ses pensées, elle en avait oublié où ses pieds l'avaient mené. Ce fût la brise mêlée au froid qui la ramena à la réalité et lui fit échapper un léger rictus.

*Et bien voyons.. Ironique Luis, n'est-ce pas?*

Elle était au cimetière.. Entourée de pierres tombales toutes plus sombre et froide les une que les autres, ca lui en donnait même la chair de poule.
Ce fût un bout de tissu blanc virevoltant à l'aide du vent qui l'interpella. Elle se rapprocha de l'individu jusqu'à voir la silhouette d'une jeune fille assise là, seule sur ce banc, au beau milieu d'un cimetière.

" Je ne pense pas que cet endroit soit fait pour vous Mademoiselle."

Mélina ne put se retenir de froncer les sourcils. Était-ce une élève de l'école?

" Je ne pense pas que cet endroit soit fait pour vous Mademoiselle."

Mon coeur rata un battement quand j'entendis une personne m'interpeller. J'ouvris grand les yeux et m'évertuai à retrouver mon calme. C'était la première fois que je me déconnectais autant de la réalité, et je me sermonnai de cette affreuse baisse de garde. Et si l'on avait essayé de m'attaquer? Si Bulle avait été là, il m'aurait prévenu, lui, mais non, ce paresseux faisait la grasse matinée.

Je laissai l'envie de m'insulter de coté et regardai la femme devant moi. Elle était magnifique. Ses cheveux, comme les miens, virevoltaient dans le vent. Mais j'aurai juré que jamais ils ne s’emmêleraient. Elle tenait aussi une valise dans ses mains, ce qui m'intrigua. On voit plus anodin qu'une valise dans un cimetière.

Je remis une mèche blanche gênante derrière mon oreille et lui fis un sourire doux.

"Ca doit bien être le cas, à mon âge, l'on va au karaoké plutôt qu'au cimetière, n'est-ce pas?"

Du moins, c'était mon ancienne vie, à Tokyo, qui m'avait bien montré le désintérêt de mes camarades pour les cimetières. Je posai les yeux sur mes pieds chaussés de sandales, et remarquai des fourmis juste à coté. Pourvu que je n'en aie pas beaucoup tué.
Je continuai ma phrase d'une voix paisible:

"Mais, j'aime cet endroit, tout est attirant."

Personne ne m'avait jamais compris sur ce point. Je reposai les yeux sur la femme, attendant sa réaction.

Regardant son interlocutrice dans l'attente d'une réponse, Mélina s'avançât pour poser sa lourde valise à l'arrière du banc et écouta son interlocutrice.

"Ca doit bien être le cas, à mon âge, l'on va au karaoké plutôt qu'au cimetière, n'est-ce pas ?"

Face à ces paroles, elle fit un signe de tête en guise d'acquiescement et pris le temps d'observer la jeune fille.

Ces traits si enfantin, quel âge pouvait-elle bien avoir ? Certainement pas plus de dix-huit ans. Elle paraissait innocente avec ses grands yeux bleus translucides et habillée de sa jolie robe aussi blanche que sa chevelure. Mélina jeta un oeil aux alentours et fût surprise de ne pas voir l'animal représentant le Kudan de la jeune fille. Peut-être qu'il était mort alors voilà pourquoi elle se retrouvait ici ? Ou alors un proche.. L'idée lui traversa l'esprit quelques secondes.

"Mais, j'aime cet endroit, tout est attirant."

Mélina tout en caressant Luis fût surprise de cette réponse. De sa vie, elle est certaine de n'avoir été qu'une seule fois au cimetière et ce fût pour l'enterrement d'une de ses tantes Béatrice, elle était alors âgée de 10 ans. Attirant ? Un cimetière ? Pour la jeune femme cet endroit était signe de fin de vie tout simplement et justement, elle voulait tout sauf y penser. La peur de sa mort prochaine la rongeait déjà suffisamment de l'intérieur.

" Je ne vois pas d'attirance pour un lieu pareil. Plus tard, on y reposera éternellement.." Sa voix s'était adoucie face à la candeur et au calme qui émanaient de la jeune fille.

Devant ses propres paroles qui n'étaient au fond qu'une pensée à voix forte, elle retira sa main du plumage de Luis pour se caresser un instant le cou, un air gêné.

Elle regarda les pierres tombales tout autour et fit une légère grimace lorsqu'elle se rendit compte que sa tombe se trouverait certainement en ces lieux dans un proche avenir.

" Comment t'appelles-tu ?" Lanca-t-elle afin de connaître l'identité bien évidemment de cette jeune fille mais également, afin de tenter de ne plus avoir ses pensées qui l'a mettait tant mal-à-l'aise.

" Je ne vois pas d'attirance pour un lieu pareil. Plus tard, on y reposera éternellement.."
Je dus avouer que cette idée là ne m'avait pas traversé l'esprit. Quant à mourir, l'on allait le faire tôt ou tard, quelles que soient nos actions.
Le fait de ne pas venir au cimetière pour cette simple raison me paraissait étrange. J'inspectai la femme, qui avait l'air plus ou moins gênée, et de ce fait je me gardai de dire mes pensées à voix haute.
Tout le monde peut avoir ses raisons, après tout. Cela s'illustra quand elle fit une grimace à l'une des pierres.
Je croisai vivement le regard de son kudan, un perroquet multicolore. Si Bulle avait été là, il l'aurait adoré.
" Comment t'appelles-tu ?"
Je relevai les les yeux vers ceux noisette de mon interlocutrice:
"Je m'appelle Tetsu. Ca veut dire Fer." J'avais pris l'habitude d'expliquer mon prénom. Les gens de magic mind n'étaient pas tous spécialement japonais.
"Si vous voulez vous asseoir, enfin... Asseyez-vous si vous voulez..."
Je n'avais jamais invité quelqu'un à faire quelque chose, et la tournure de ma phrase ne me plut pas. Je rougissais tout en souriant timidement. Pourvu qu'elle ne le prenne pas mal. Mes yeux se reposèrent sur mes sandales, et je vus que toutes les fourmis avaient disparues.